Quand la sécheresse aux Etats-Unis menace le système agroalimentaire mondial.
Dans une économie mondialisée, et donc une agriculture également mondialisée, l’épisode de sécheresse historique traversé actuellement par les Etats-Unis a des répercussions sur l’ensemble du système agroalimentaire mondial.
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Dans une économie mondialisée, et donc une agriculture également mondialisée, l’épisode de sécheresse historique traversé actuellement par les Etats-Unis a des répercussions sur l’ensemble du système agroalimentaire mondial.
Sans aller jusqu’à parler d’« effet papillon », mais en faisant tout de même un raccourci, on peut affirmer que les températures moyennes du mois de juin aux USA, supérieures de 1,1 °C à la moyenne du XXème siècle*, pourraient bien aggraver la famine qui sévit déjà en Afrique au Sahel.
Une sécheresse historique aux Etats-Unis…
Le 26 juillet, Brian Fuchs, climatologue au Centre américain de surveillance de la sécheresse, expliquait que la sécheresse s’est encore accentuée depuis le mois de juin, pour les Etats producteurs de maïs, la fameuse « Corn Belt » : Illinois, Iowa, Missouri, Indiana, Arkansas, Kansas, Nebraska. Elle touche désormais également une partie du Wyoming (ouest) et du Dakota du Sud (centre-ouest). Cette sécheresse, la plus grave depuis 1956, arrive alors que les Etats-Unis traversent la période de douze mois la plus chaude de leur histoire (depuis le début des archives météorologiques en 1895).
Et « les prévisions météorologiques annoncent la poursuite des conditions chaudes et sèches jusqu’à la fin du mois d’août. Ces conditions pourraient persister à l’automne », prévenait Brian Fuchs…
Or, les Etats-Unis, c’est 53% des exportations mondiales de maïs, et presque 43% des exportations mondiales de soja. Le journal Nature rappelait ainsi que « tout changement des approvisionnements des Etats-Unis pour ces cultures affectera les prix dans le monde ».
… qui accroît les tensions du marché européen.
La Russie traverse également une période de sécheresse depuis quelques mois maintenant, dans la région de la Volga, du Sud de l’Oural et à l’ouest de la Sibérie. Or, la Russie est le troisième exportateur mondial de céréales…
Des tensions se font donc nettement ressentir sur le marché européen Euronext, qui affichait le contrat de blé tendre à 269,75 euros la tonne (+32,4%) le 20 juillet dernier, et 252,25 euros la tonne de maïs.
Vers une inflation des produits agroalimentaires ?
Car si la canicule a des effets désastreux aujourd’hui sur les agriculteurs (-46 millions de tonnes de maïs, -6,7 millions de tonnes de blé), elle impactera en 2013 les consommateurs qui pourraient payer leurs provisions de 3 à 4% plus cher. Ephraim Leibtag, du service de recherche économique, expliquait à l’AFP : « les effets commencent à se faire ressentir au niveau des fermes. Mais cela peut prendre entre deux et douze mois pour se diffuser dans toute la chaîne. Il y aura donc sûrement des conséquences (sur les prix) dès l’automne dans les épiceries ou les restaurants, puis plus tard dans l’année et jusqu’en 2013 ».
Crédit : lexpansion.lexpress.fr
Ainsi, le prix des pâtes, des céréales et de la viande devrait augmenter dès septembre. Les premiers produits touchés, conséquence directe du mix marketing de l’industrie agroalimentaire, seront les produits les moins chers. Car la part des matières premières dans le coût de revient de ces produits est plus importante que pour les autres. Les éleveurs de volailles préviennent déjà qu’il faudra augmenter le prix du poulet de 8 à 10%. Les éleveurs de porcs que la tranche de jambon pourrait coûter 7 centimes de plus.
Et des émeutes de la faim en Afrique ?
Les dernières émeutes de la faim remontent à 2008 en Afrique. A l’époque, les cours du riz s’étaient également envolés. Aujourd’hui, la situation est légèrement différente, mais pas meilleure. Les cours du riz sont pour le moment « stables » estime la FAO. Mais les prix des céréales sont « plus élevés qu’en 2008 au moment des émeutes de la faim » s’inquiète l’ONG humanitaire Oxfam.
De plus, en Afrique de l’Ouest, la sécheresse sévit également. Ajoutée au conflit au Mali, et à une production céréalière « en dessous de la moyenne des 5 dernières années en Mauritanie, au Tchad, au Niger et au Burkina Fasso », d’après le Programme Alimentaire Mondial (PAM), la situation au Sahel a de quoi être alarmante. Alors que 18 millions de personnes souffrent déjà de sous-alimentation dans cette région, d’après Oxfam, Malek Triki, porte-parole du PAM, estime que « la hausse des prix est une catastrophe pour les pays d’Afrique de l’Ouest déjà dans une situation désastreuse ».
La spéculation et les agrocarburants pointés du doigt.
C’est le jeu de l’offre et de la demande, dans une économie mondialisée : la raréfaction des céréales pour cette saison engendre une explosion de leurs cours. Ce qui compromet donc l’approvisionnement des pays vulnérables. Clara Jamart d’Oxfam France déplorait auprès de l’AFP : « la situation alimentaire est tellement tendue qu’il suffit de n’importe quel aléa dans un grand pays producteur pour que tout bascule et tout s’emballe. Nous n’avons pas réglé le problème et, pour rien arranger, la spéculation est toujours là ».
Lié au problème de la spéculation, les politiques de certains états, notamment l’Europe et les Etats-Unis, qui encouragent la production d’agrocarburants de première génération, en fixant des objectifs de production. Ce qui encourage la spéculation.
Dans ces pays, « une part croissante de la production agricole est ainsi aujourd’hui destinée au marché énergétique, via les agrocarburants. 40% du maïs américain est ainsi aujourd’hui destiné à la production d’agrocarburant. Cette politique entraîne une tension de plus en plus forte sur l’offre alimentaire et tire les prix mondiaux des produits agroalimentaires vers des sommets. Dans ces conditions, les chocs climatiques se multipliant dans les grands pays céréaliers, les conséquences sont désastreuses et mettent en péril le droit à l’alimentation de millions de personnes ».
D’où un appel d’Oxfam France et de la FAO aux gouvernements « d’abolir leurs objectifs de production » et de « supprimer les subventions ». La FAO va plus loin, puisqu’elle préconise également la mise en place d’une taxation des agrocarburants « pour maintenir un minimum de stabilité sur le marché international des aliments ».
Oxfam milite également pour une régulation des marchés agricoles, dans l’objectif d’enrayer la spéculation.
La France pour une mobilisation du Forum de réaction rapide.
Mis en place à l’occasion du dernier G20 agricole de juin 2011, le Forum de réaction rapide a pour mission de promouvoir « la cohérence et la coordination politiques en temps de crise ». Nous vous en parlions à travers notre article « Prix des céréales, François Hollande veut surveiller les marchés. », Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture et de l’agroalimentaire français a annoncé vouloir convoquer prochainement ce Forum de réaction rapide, « si la situation l’impose ». Ce dernier pourrait alors « se prononcer d’une part sur les actions à encourager afin de soulager les tensions, d’autre part sur celles à éviter pour ne pas les accentuer ». G.T.
* Donnée du Centre National de Données Climatiques pour l’Administration Nationale Océanique et Atmosphérique à Silver Spring, Maryland (USA)