Quelles évolutions pour l’IFS V.6 ?
L’IFS food a été le premier référentiel de la gamme des référentiels IFS (International Featured Standard) et est maintenant aussi le plus largement utilisé par les entreprises agroalimentaires produisant sous marques de distributeurs (plus de 11000 industriels l’utilisent).
Sommaire
L’IFS food a été le premier référentiel de la gamme des référentiels IFS (International Featured Standard) et est maintenant aussi le plus largement utilisé par les entreprises agroalimentaires produisant sous marques de distributeurs (plus de 11000 industriels l’utilisent). A l’heure où l’IFS séduit un nombre toujours croissant d’industriels (près de 9% d’audits supplémentaires en 2011), la version 6 de l’IFS est parue cette fin janvier, téléchargeable gratuitement sur le portail http://www.ifs-certification.com, pour une application à partir du 1er juillet 2012. Nous l’évoquions dans nos précédents articles : de nouvelles exigences font leur apparition et la structure même du processus d’audit est modifiée.
Quelles contraintes et quels objectifs ont guidé cette révision ? Quelles sont les modifications majeures ? En particulier, quelles nouvelles exigences vont impacter les professionnels certifiés ?
Agro-media.fr a interviewé pour vous une professionnelle du secteur, Mme Magali Lacambra, ingénieur conseil qualité au sein du cabinet PBCSoft, qui nous présente en exclusivité les fondamentaux de cette V6.
Quels sont les objectifs de cette 6ème version de l’IFS et comment a-t-elle été élaborée ?
« La version 5, applicable depuis 2007, appelait à une révision dans le cadre de l’évolution constante des exigences de la grande distribution. En particulier, le référentiel IFS bénéficie depuis 2002 de la reconnaissance de la GFSI (Global Food Safety Initiative) et se devait d’évoluer pour se conformer à la version 6 de leur guide.
Dans le cadre de cette révision, le comité technique international IFS a choisi d’intégrer pour la première fois les industriels, les services alimentaires et les organismes de certification aux côtés des distributeurs.
L’IFS a ainsi impliqué toutes les parties prenantes de la chaîne alimentaire (en accord avec les recommandations de la commission européenne).
Les nouveaux membres intégrés au comité sont :
- Industriels : Meralliance (France – poissons), Voltan (Italie – Pâtes), Haribo (Allemagne – bonbons) Vion Food (Pays-Bas – viande) et Dawn Food (USA – boulangerie)
- Organismes de certification : Eurofins Certification (France), DNV (Italie) et DQS (Allemagne)
- Services alimentaires : Mc Donalds (Royaume Uni)
A noter que dans le même temps, les distributeurs espagnols rejoignent l’IFS en nombre important et qu’en conséquence les groupes de travail internationaux se voient désormais complétés d’un groupe de travail espagnol.
En conviant ainsi toutes les parties prenantes de la chaîne alimentaire, le but était un plus large partage des expertises et plus de transparence.
Tenant compte des résultats des enquêtes de satisfactions menées en 2011 sur la version 5, le comité de révision de l’IFS s’est principalement fixé d’intégrer toutes les notes de doctrines de l’IFS food, supprimer les redondances, clarifier les exigences et améliorer les règles de calcul de la durée d’audit. »
Quelles sont les modifications structurelles de cette nouvelle version ?
« Fondamentalement, la version 6 vise à laisser plus de place pour l’amélioration continue.
Dans ce cadre, la modification la plus notable du protocole d’audit concerne la notation puisqu’un malus de 20 points impacte désormais les exigences notées D (au lieu d’un 0 en version 5). Par conséquent, à niveau égal de satisfaction des exigences entre V5 et V6, les entreprises auditées n’auront pas forcément la même note finale : ce nouveau système de notation permettra d’identifier plus efficacement les industriels mettant en œuvre les bonnes pratiques.
Par ailleurs, répondant au besoin des industriels, le cycle de certification a été simplifié grâce à 3 principales mesures :
- Audit d’extension : ce nouvel outil d’audit vient se greffer entre 2 audits de certification et s’applique aux nouveaux procédés, nouveaux produits ou produits saisonniers hors du périmètre initial de l’audit. Cela permettra aux industriels d’inclure des mises à jour (jointes en annexe au rapport d’audit en vigueur) sans le coût d’un nouvel audit IFS complet.
Attention néanmoins, en cas de non-conformité majeure ou de KO sur l’audit d’extension le certificat IFS en cours est suspendu. - Approche multisites : dans la même idée de réduire les activités auditées en doublon, une entreprise possédant plusieurs sites, dont un siège social, pourra faire auditer en priorité son siège afin de reporter ensuite les constats de cet audit dans chaque rapport d’audit des sites de fabrication. Ce nouveau dispositif permet donc une approche plus transversale de l’audit.
- Audit de renouvellement : le cycle de planification des audits a été simplifié en fixant une date anniversaire de référence pour le renouvellement (pour ainsi plus de flexibilité et une programmation des audits possible à l’avance). Concrètement, l’entreprise auditée dispose de 2 semaines de plus qu’en V5 pour son audit de renouvellement, à programmer au plus tôt 8 semaines avant et au plus tard 2 semaines après la date d’audit anniversaire.
En réponse à la problématique de calcul des durées d’audit, un outil de calcul systématique a été mis à disposition sur le portail internet http://www.ifs-certification.com. Son utilisation, rendue obligatoire pour les organismes certificateurs, permettra de calculer rapidement la durée minimale d’audit. Il est important de souligner qu’une durée minimale est également définie pour auditer la zone de fabrication (au minimum 1/3 de la durée totale), répondant à l’objectif de renforcer l’approche qualité et terrain de l’IFS.
La V6 a aussi intégré à part entière une version consolidée de son « Integrity program » créé en 2010 : ce dispositif permet de vérifier la qualité des organismes de certification et des auditeurs. L’IFS fait donc réaliser des audits indépendants sur les organismes certificateurs pour confirmer le respect des règles contractuelles signées avec eux.
Dans ce même ordre d’idées, la compétence des auditeurs IFS est renforcée puisqu’ils sont désormais catégorisés par secteurs de produits et par secteurs technologiques. Ils suivront aussi des formations régulières maintenant leur habilitation dans leur domaine dédié. En conséquence, des questions plus pointues sur les produits et les procédés peuvent être attendues.
Structurellement, le protocole d’audit est donc assoupli mais cette évolution va de pair avec le renforcement du niveau d’exigences par adaptation aux évolutions suivies respectivement par le GFSI mais aussi par les référentiels concurrents FSSC 22000 et BRC V6. »
Peut-on dire que cette nouvelle version est plus exigeante que la précédente ?
« Je pense, oui. En effet, avec cette nouvelle version de sa grille d’audit, l’IFS renforce sa stratégie consistant à combiner les aspects de qualité et de sécurité alimentaire dans un même référentiel : les exigences de la check-list d’audit sur ces 2 thèmes ont donc été augmentées (289 exigences contre 251 dans la version 5).
En particulier, la version 6 intègre plus d’exigences qualité sur les produits pour consolider la conformité aux cahiers des charges et aux exigences clients. Cette stratégie vise à creuser l’écart avec le référentiel FSSC 22000 auquel on reproche justement des manques dans ce domaine.
On voit, par exemple, apparaître de nouvelles exigences sur les analyses nutritionnelles, le contrôle du poids et les emballages des produits. Un changement notable sera donc la prise en compte par les auditeurs de contrôles échantillonnaires pour s’assurer que les tolérances sont respectées.
Parmi les 10 KO, fondamentalement inchangés, certains se font le reflet de ces évolutions avec en particulier la prise en compte des exigences des clients, si elles existent, pour les spécifications des matières premières, la recette et les paramètres technologiques ainsi que pour une traçabilité documentée jusqu’à la livraison au client.
L’implication nouvelle des industriels dans la révision des exigences a aussi permis une prise en compte de leurs attentes : cela a notamment conduit à clarifier la notion de CP, assouplir les exigences sur les locaux hors production, ne plus imposer le système d’éjection automatique… Nombre d’exigences sont aussi désormais recentrées sur l’analyse des risques afin d’être plus orientées sur l’efficacité que sur la documentation.
Les exigences de sécurité ne sont pas en reste : nouvelles exigences sur la gestion des déchets, le risque de corps étrangers, les équipements et la maintenance… Parmi les modifications majeures, les exigences sur la protection de la chaîne alimentaire contre les actes malveillants (food defense) deviennent obligatoires. Optionnelles en version 5 de l’IFS, ces nouvelles exigences sont intégrées afin d’être conforme au GFSI Guidance Document version 6. Concrètement, les auditeurs se pencheront sur les thématiques d’évaluation de la sécurité globale, sur la sécurité du site, les potentiels actes malveillants du personnel et des visiteurs et sur les inspections externes. L’IFS se veut rassurant sur ces aspects sécuritaires, redoutés par les industriels, en précisant que cette approche reposera sur l’évaluation de zones critiques. De plus, des guidelines seront rapidement disponibles pour mettre en œuvre ces exigences selon la législation des pays de commercialisation.
Enfin, on voit apparaître de nouvelles exigences sur les produits de négoce déjà transformés qui pourront désormais être inclus dans le périmètre du certificat si les fournisseurs sont eux-mêmes certifiés IFS. Par ces nouvelles exigences sur la validation, le suivi et la surveillance des fournisseurs, l’IFS cherche à réduire les audits multiples qui pouvaient être précédemment réalisés sous le référentiel IFS Broker pour les produits de négoce. »
Cette nouvelle version de l’IFS va-t-elle lui permettre de s’imposer comme le référentiel star de l’agroalimentaire ?
« Il ne vous aura pas échappé que cette révision suit celle du référentiel concurrent, le BRC (British Retail Consortium), dont la version 6 est quant à elle entrée en application au 1er janvier 2012.
Cette révision du BRC a particulièrement consisté en un renforcement des exigences de traçabilité, de maîtrise des risques allergènes/corps étrangers et a vu l’apparition d’exigences supplémentaires sur les fournisseurs et l’évaluation documentée des dangers de malveillance par zone. On notera donc les thématiques et les problématiques communes aux 2 référentiels.
IFS et BRC doivent par ailleurs faire face à la montée en puissance de la norme ISO 22000 créée en 2005.
En effet, le référentiel FSSC 22000 (Food Safety System Certification 22000) créé en 2010 par le rapprochement entre l’ISO 22000 et l’ISO 22002-1 se positionne lui aussi spécifiquement sur la certification de la fabrication et de la transformation des produits et ingrédients alimentaires.
Le FSSC 22000 reconnaît désormais l’utilisation des guides de bonnes pratiques d’hygiène, prend en compte les exigences particulières des clients concernant la sécurité des aliments et spécifie les exigences de mise en œuvre et de maintien de programmes de pré-requis. Des avancées qui le rapprochent des référentiels privés IFS et BRC, d’autant qu’il est lui aussi désormais reconnupar le GFSI.
Avec les améliorations de sa V6, l’IFS cherche donc à creuser l’écart avec ces sérieux concurrents.
Sa version 5 ne sera définitivement remplacée qu’au 1er juillet 2012. Il faudra donc attendre ce délai pour connaître la réception que fera la profession à ces évolutions : gageons que la stratégie d’inclure les industriels dans le processus de révision aura pesé dans la balance. »
Agro-media.fr remercie Mme Lacambra pour avoir accepté de répondre à nos questions.
Propos recueillis par Vanessa Dufus.