Des produits plus sains et plus goûteux: une équation complexe pour les IAA
Réduire les teneurs en sel, en sucre et en graisses devient une nécessité pour les IAA. Mais ces baisses ne sont pas sans conséquence sur le goût des produits. Tour d'horizon des différents procédés utilisés pour y remédier.
Sommaire
Du probable quadruplement de la taxe soda au profilage nutritionnel des aliments, les enjeux relatifs à une alimentation saine et équilibrée sont au premier plan des préoccupations de santé publique. Et sont l’objet d’une attention croissante de la part des consommateurs.
Selon un sondage de Yougov réalisé en février, 77 % des Français estiment qu’il est important de manger sainement et 45 % s’en préoccuperaient quotidiennement. Mais « bien souvent, ils sous-estiment leurs mauvaises habitudes alimentaires et inversement », rappelait Luis Guerrero, responsable du laboratoire d’analyses sensorielles à l’Institut de recherches et technologies alimentaires de Catalogne, à l’occasion du 9ème Congrès du pôle de compétitivité Vitagora.
Alimentation : les IAA doivent allier plaisir et santé
Santé ou plaisir : difficile de trouver le bon positionnement pour les industriels. Mais « c’est justement ceux qui réussiront à jouer sur le triptyque alimentation, plaisir, santé, qui supplanteront leurs concurrents », estime Jean-Philippe Girard, président de l’ANIA.
Des exhausteurs de goût pour compenser la réduction de sel, de sucre et de graisses
La perte gustative est souvent compensée par des exhausteurs de goûts. De nombreux substituts existent aujourd’hui. Aspartame, sucralose, stévia, fibres solubles et autres glucides telles que les fructose-oligosaccharides ou les polyols pour le sucre. Chlorure de potassium en remplacement du sel, mais aussi extraits de levure, algues marines, lactate, nucléotides ou encore glutamate pour rehausser la sapidité des aliments.
Pas de risque pour la santé pour l’aspartame selon la EFSA http://t.co/NJL8cADS0u
— Agro-media.fr (@agro_media) 11 Décembre 2013
Microalgues et extraits de levure pour rehausser les saveurs
Le groupe Roquette vient notamment de mettre au point une farine de microalgues. Le profil lipidique de ces dernières se rapprochant de celui de l’huile d’olive, leur utilisation en tant qu’ingrédient dans l’industrie permet de réduire considérablement les matières grasses. « Les microalgues pourraient être utilisées dans les pâtes à tartiner, les gâteaux, le pain.., estime Marie-Hélène Saniez, directrice du programme nutrition-santé de l’entreprise.
Autre exemple, Bio Springer, filiale du groupe Lesaffre, a développé des extraits de levure, destinés à l’aromatisation des sauces, des soupes ou des plats cuisinés, permettant en parallèle de réduire d’environ 30 % les apports en acides gras, sans déperdition de saveurs.
Terifiq : conserver le goût des aliments sans additifs
« Le plus efficace est encore de réduire la teneur en sel, en sucre ou en gras progressivement, indique Markus Stieger, enseignant à l’Université de Wageningen, au Pays-Bas. De cette façon, les consommateurs perçoivent à peine le changement. » Pour les mêmes raisons, il vaut mieux appliquer cette mutation à toute la gamme de produits.
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Mais il est en réalité possible de réduire le sel, le sucre ou encore le gras des aliments sans avoir à ajouter d’additifs, dont l’utilisation est régulièrement sujette à controverse, notamment en raison de leurs impacts sur la santé.C’est précisément l’objet d’étude du projet européen Terifiq, lancé en 2012. « Enrichir le produit de nouveaux ingrédients est la solution de facilité, alors qu’il est possible de travailler le produit en lui-même », estime Christian Salles, coordinateur du projet et chercheur à l’INRA de Dijon.
Terifiq s’intéresse à quatre catégories de produits : les fromages (objectif : -30 % de sel), les saucisses cuites et sèches (-50 % des graisses saturées), les gâteaux de type muffins (-25 % de graisses saturées et de sucre) et les sauces prêtes à consommer (-50 % de graisses saturées).
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Formulation des aliments : les Français restent réticents
Pour atteindre ces objectifs, les scientifiques emploient la formulation des aliments, « technique à laquelle les Français restent très réticents », regrette Markus Stieger. Parmi les pistes explorées : la valorisation des odeurs pour compenser la réduction du sel. « Les arômes de sardine, de bacon ou d’anchois sont inconsciemment associés au goût salé par les consommateurs, explique Thierry Thomas-Danguin, chargé de recherches au Centre des sciences du goût et de l’alimentation de Dijon. En ajoutant ces arômes à un produit, dans ce cas précis, un fromage, il est possible de compenser une réduction de 25 % de la teneur en sel. »
Une technique qui s’avère plus efficace encore lorsqu’elle combinée à la modification de la composition des couches des aliments. « La perception du goût est influencée par la distribution du sel dans les produits, selon qu’elle homogène ou hétérogène. Nous avons remarqué qu’en répartissant le sel uniquement sur une face extérieure du produit, la saveur salée était renforcée.» Et le principe est le même pour les arômes. En combinant ces différentes techniques, on peut réduire jusqu’à 35 % la teneur en sel d’un fromage classique, sans perdre la préférence des consommateurs.
Émulsions multiples et modification des textures : des pistes à explorer
Autres constats : l’accentuation du caractère juteux des saucisses renforce par exemple la perception du sel. Et en travaillant l’aspect esthétique des produits, notamment les contrastes visuels, le consommateur remarque moins la potentielle atténuation de la sapidité.
« Nous travaillons également sur les émulsions multiples, poursuit Christian Salles. En plaçant du gras dans de l’eau, dans du gras, on peut réduire les matières grasses. De même, en emprisonnant du chlorure de sodium dans une phase aqueuse, on peut optimiser la libération des actifs en bouche, et ainsi abaisser les teneurs en sel. »
Satiété : des produits complexes à mettre au point
Une fois le projet achevé, dans deux ans, ce sera au tour des industriels de s’emparer de ces techniques pour les adapter à leurs produits. Mais pour répondre aux problématiques d’alimentation et de santé publique, d’autres voies peuvent être explorées. Parmi elles, la mise au point de produits à vocation de satiété, qui peuvent permettre de réduire le grignotage.
« Pour les produits semi-solides, type crèmes dessert, renforcer la viscosité peut permettre d’accroître les propriétés satiétogènes, explique Hélène Labouré, chercheuse au Centre des sciences du goût et de l’alimentation. Pour les aliments solides, c’est souvent plus compliqué.»
Enrichir les produits en fibres et/ou protéines renforce leur caractère satiétogène. Mais l’addtion de nouveaux ingrédients est rarement sans conséquence pour un produit. « Pour les biscuits par exemple, ce rajout provoque souvent un manque de cohésion de la pâte, ou la rend au contraire trop collante, complète Camille Michon, enseignante à AgroParisTech. Tout est affaire de dosage.»
Recherche alimentaire : un processus coûteux
Certains de ces procédés sont déjà employés par les industriels. « Chez Nestlé, nous travaillons à la fois sur le relargage des composés et sur le rassasiement, en particulier pour les plats préparés », affirme Nathalie Martin, responsable du département de sciences sensorielles du groupe suisse. Pour ces recherches, Nestlé s’appuie de plus en plus sur une approche observationnelle plutôt que déclarative, afin d’étudier le comptement des consommateurs dans leur environnement quotidien. « On envoie des caméras aux volontaires et on leur explique simplement comment les installer, ce qui nous donne accès à des informations dont les consommateurs n’ont parfois pas même conscience », affirme-t-elle.
De telles recherches ont cependant un coût et tous les groupes industriels ne peuvent se permettre de tels investissements. C’est pourquoi certaines entreprises misent davantage sur les stratégies de communication sur ces problématiques. En informant le consommateur sur les apports nutritionnels d’un produit ou les portions recommandées, au travers du packaging ou d’actions de communication spécifiques.
Le boom du sans gluten
Et s’il fallait encore une preuve que la prise en compte des problématiques de santé n’est pas à négliger, il suffit de jeter un œil sur l’évolution du marché du sans gluten, qui a connu une croissance de 30 % sur la seule année 2012. Les restaurants et les épiceries sans gluten se multiplient. Herta, Fleury Michon, Gerblé, Allergo, les MDD Carrefour, Auchan ou Casino : nombreux sont les industriels à avoir déjà investi le marché. Les ventes devraient d’ailleurs doubler entre 2012 et 2015, pour atteindre 45 millions d’euros. Et cela, alors même que 1 % ou 2 % seulement de la population souffre en fait d’allergie au gluten. De quoi inspirer les plus réticen